Nos repas sélectionnent les neurones du bulbe olfactif
Pierre-Marie Lledo dirige le laboratoire perception et mémoire à l’Institut Pasteur. Il est spécialiste des cellules souches neurales chez l’adulte.
Une équipe japonaise vient de montrer que le sommeil joue un rôle dans la vie et la mort des neurones récemment formés dans le cerveau. En quoi ces travaux sont-ils novateurs ?
P.-M.L. Takeshi Yokoyama et son équipe de l’université de Tokyo se sont intéressés au bulbe olfactif, une des rares régions du cerveau où de nouveaux neurones apparaissent constamment à l’âge adulte. On savait que la moitié de ces nouveaux neurones disparaissent deux semaines après avoir intégré les circuits nerveux. Et l’on savait également que ces neurones éliminés sont remplacés par de nouvelles cellules nerveuses, dont la moitié disparaît à son tour. Jusqu’à présent on pensait que les cellules qui disparaissaient étaient génétique-ment prédisposées à mourir. Mais nos confrères japonais viennent de montrer que c’est l’environnement de la cellule, le contexte dans lequel elle est produite, qui fait qu’elle meurt ou pas. Plus précisément, ils ont montré que le sommeil joue un rôle majeur dans ce processus : il sélectionne les neurones destinés à mourir [1].
Comment ont-ils fait ce lien entre sommeil et tri des neurones ?
P.-M.L. En comptant les neurones dans des coupes de bulbe olfactif de souris à diférentes heures de la journée, ils ont découvert que le processus de mort cellulaire se déroulait pendant le sommeil qui suit un repas. Plus précisément, les neurones destinés à mourir sont sélec-tionnés durant la phase de sommeil paradoxal, pendant laquelle l’animal rêve. Il se pourrait que cette sélection ait lieu sous l’effet d’une hormone sécrétée pendant le sommeil, d’un peptide fabriqué après l’ingestion de nourriture, ou encore d’un peptide sécrété par les centres nerveux lors du rêve.
L’ensemble des neurones présents reçoit ce signal. Pourquoi ne meurent-ils pas tous ?
P.-M.L. Les auteurs ont essayé d’identifier des facteurs susceptibles d’expliquer la survie de la moitié de ces neurones. Ils ont découvert que les neurones qui survivaient étaient ceux activés par les odeurs émises durant le repas précédant le sommeil. Lorsqu’une molécule odorante se fixe sur son récepteur, dans le nez, un message électrique parvient jusqu’au bulbe olfactif. Les nouveaux neurones qui s’y trouvent et qui réceptionnent le signal électrique sont alors « marqués », d’une façon qui n’a pas encore été identifiée. Lors du sommeil paradoxal qui suit le repas, ils sont les seuls à échapper à la mort.
Quel est l’intérêt d’avoir sans cesse de nouveaux neurones ?
P.-M.L. En 2009, notre équipe a découvert que les cellules qui viennent de naître sont hyper-réactives : elles discriminent très bien les différentes odeurs et assurent une très bonne mémorisation de l’information ainsi perçue. Or cette propriété se perd très vite, en moyenne quatre semaines après la naissance des nouveaux neurones. On comprend dès lors l’intérêt de renouveler perpétuellement le pool de cellules nerveuses qui viennent de naître, de façon à n’avoir que de jeunes neurones.
[1] T.K. Yokoyama et al., Neuron, 71, 883, 2011
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Ainsi les aliments que nous mangeons ont une influence directe sur la perception olfactive future de ces mêmes aliments. Je l'avais remarqué avec le durian : avant d'en avoir jamais mangé il avait une odeur tout à fait détestable et repoussante. Après quelques essais d'ingestion, son odeur a radicalement changé, au point que je n'ai plus jamais ressenti l'odeur initiale. Cela s'explique par le fait que de nouveaux neurones sont apparus, neurones capables de reconnaître les différentes composantes olfactives du durian auxquelles j'étais insensible auparavant.
Ceci montre que l'instinct alimentaire n'est pas quelque chose d'inné qui serait opérant et figé dès la naissance, mais qu'au contraire il se forge et se peaufine au fur et à mesure de la rencontre avec les aliments que nous mangeons.
http://nutritionpaleocrue.net/forum/index.php?topic=118.0
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